Entretien avec Francis Delon à propos de l'Histoire de la GLNIR

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Francis Delon, vous venez d’éditer votre premier livre sur l’histoire de la Grande Nationale Indépendante et Régulière pour la France et les Colonies, premier nom de la Grande Loge Nationale Française. Permettez-nous de vous poser quelques questions à son sujet.

La Tarente : Voilà un fort volume qui a dû vous demander bien du travail. Faut-il être spécialiste et érudit pour lire votre livre ?

Francis Delon : Sept années m’ont effectivement été nécessaires pour mener à bien ce projet. Mon livre s’adresse aux « cherchants », à ceux qui veulent mieux comprendre la spécificité particulière dans le paysage maçonnique français de la Grande Loge Nationale Française (nom de la Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière pour la France et les Colonies Françaises depuis 1948) où se côtoient et s’affrontent parfois deux visions de la Maçonnerie : la conception anglo-saxonne qui établit une séparation complète entre les grades symboliques et les hauts grades et la conception hexagonale qui privilégie avant tout le rite sur l’organisation obédientielle.

Minoritaires au lendemain de la Première Guerre mondiale, les frères du Régime Écossais Rectifié ont été progressivement marginalisés devant les craintes, exagérées d’ailleurs, de la majorité anglophile devant les prétentions du Grand Prieuré des Gaules sur les ateliers symboliques du rite quelle que soit la Grande Loge sur laquelle ils sont souchés.

LT : Nous croyons savoir que vous avez écrit sur des archives maçonniques jamais utilisées ? D’où viennent-elles et combien de temps vous a-t-il fallu pour défricher ces fonds ?

FD : Grâce à la générosité d’esprit de l’ancien Grand Maître de la G.L.T.S.O. René Doux aujourd’hui disparu et auquel je rends hommage, j’ai pu accéder au Fonds Édouard de Ribaucourt remis en 2005 par son petit-fils et seulement exploité dans un article consacré à Camille Savoire par Dominique Dominique Daffos et Patrick Hillion en 2007.

Plus d’un semestre m’a alors été nécessaire pour décrypter et analyser ces 5500 documents numérisés qui m’ont permis de reconsidérer les évènements qui ont conduit au réveil du Régime Écossais Rectifié et au rétablissement de la régularité maçonnique en France.

Pour l’entre-deux-guerres, j’ai largement utilisé les archives de la G.L.N.F., notamment les quatre boîtes d’archives rapatriées de Russie ainsi que celles des loges et de l’administration centrale de l’obédience qui avaient échappé au régime de Vichy et à l’occupant nazi. Les registres des membres et des procès-verbaux de la loge rouennaise Jeanne d’Arc n° 5 m’ont permis ainsi d’appréhender le vécu des loges militaires britanniques durant la Grande Guerre.

En outre, la découverte fortuite dans les archives russes de la Grande Loge de France du registre des procès-verbaux de la loge Anglaise 204 n° 2, qui l’avait conservé après son départ de la Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière, m’a donné la possibilité de reconstituer la cérémonie de réception au premier grade du RER par une loge française au tournant des années 1920.

LT : Enfin, dites-nous pourquoi vous avez fait ce travail et ce qu’il vous a apporté ?

FD : L’histoire de la G.L.N.I.R. a longtemps été considérée par les auteurs des autres obédiences comme celle d’une simple « Grande Loge Provinciale Anglaise » (dixit Oswald Wirth) alors que les « historiens » internes n’hésitaient pas à qualifier ce retour d’une Maçonnerie traditionnelle en France de « Miracle de 1913 », Édouard de Ribaucourt ayant d’ailleurs dans ses mémoires inédites minoré son engagement antérieur au sein du G.O.D.F.

C’est ma formation d’archiviste qui m’a amené à m’occuper à partir de janvier 2000 des archives de la G.L.N.F. grâce à l’appui du Grand Maître Claude Charbonniaud et de François Geissmann, le conservateur du musée et de la bibliothèque auquel j’exprime toute ma gratitude. Au fil des dépouillements, j’ai été amené à publier mes premiers articles dans Les Cahiers Villard de Honnecourt. Le tournant a eu lieu à l’occasion du Livre du Centenaire réalisé à l’initiative du Grand Maître Jean-Pierre Servel où j’ai été chargé d’écrire des articles et des notices biographiques. J’ai alors contacté Éric Saunier avec lequel j’avais collaboré pour son Encyclopédie de la Franc-Maçonnerie en 2000. Comme il était seulement maître de conférences, il m’a mis alors mis en rapport avec le Professeur Cécile Révauger de Bordeaux qui accueillait des thésards en maçonnologie. C’est la raison pour laquelle je suis devenu docteur en études anglophones en 2018.

Dans la conférence qu’il prononça le 4 mai 1934 devant la Loge de Recherches Saint-Claudius n° 21, son ancien Vénérable William James Coombes exposa les six raisons qui conduisent, selon lui, un profane à devenir franc-maçon : le rituel, la bienfaisance, l’administration, l’amitié, l’histoire et le symbolisme. Ces concepts ont largement contribué au rayonnement de la Maçonnerie universelle. J’espère simplement avoir contribué à réhabiliter l’importance de l’histoire dans la compréhension du fait maçonnique.

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